L’Education nationale est un système très centralisé. Une même circulaire parisienne est censée s’appliquer uniformément dans tous les établissements de France. Les innovations locales, même si elles sont autorisées sous certaines conditions, ne sont guère encouragées. Pourtant, on peut penser que pour améliorer les performances d’un système aussi gigantesque (un million trois cent mille personnes), le plus simple serait sans doute de faire confiance au terrain et de donner plus d’autonomie aux établissements. Il ne s’agirait évidemment pas d’abandonner tout contrôle, mais de piloter l’ensemble par trois leviers : 1) fixer des objectifs clairs et précis aux établissements ; 2) donner beaucoup plus de liberté aux établissements dans le choix des moyens pour atteindre les objectifs ; 3) procéder à des évaluations plus rigoureuses. Ainsi pourrait-on tirer profit de l’expérience et de l’inventivité des chefs d’établissements et des professeurs pour améliorer les performances du système tout entier.
CONSTAT
De faibles marges de manoeuvre pour les établissements
L’absence de marges de manoeuvre sur les temps d’enseignement, qui demeurent fixés par l’administration centrale, ou encore dans le choix des disciplines à enseigner, ainsi que la faiblesse de la dotation budgétaire librement utilisable par l’établissement, n’ont pas permis aux établissements scolaires de développer des projets innovants. En Finlande, les établissements jouissent d’un degré d’autonomie fonctionnelle élevé. Les enseignants, quant à eux, définissent, à partir des grandes lignes pédagogiques fixées par l’Etat, leurs programmes et choisissent, par exemple, leurs ouvrages de travail.
Le rôle des chefs d’établissement n’est pas suffisamment reconnu
Dans la réalité, les chefs d’établissements jouissent d’une autonomie très limitée. En particulier, le chef d’établissement n’a quasiment pas de pouvoir sur les personnels qu’il dirige. Il n’intervient pas dans le choix des enseignants qui composent son équipe pédagogique, à la différence des chefs d’établissements du secteur privé sous contrat dont l’avis est requis avant toute nomination. Il ne peut noter les enseignants que pour la partie administrative. En outre, cette notation est sévèrement encadrée par des critères et des barèmes établis par l’administration centrale de l’Education nationale. Par ailleurs, les directeurs d’école primaire ne bénéficient pas du statut de chef d’établissement.
L’évaluation est insuffisante
L’évaluation du système telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui est assez sommaire. Elle repose uniquement sur les notes obtenues par les élèves aux examens et à quelques tests, sans analyse approfondie du fonctionnement des établissements. Les pratiques pédagogiques ainsi que les projets éducatifs innovants ne sont jamais évalués, ce qui ne permet ni de corriger des méthodes trop vite généralisées, ni de diffuser des bonnes pratiques pourtant intéressantes. Les évaluations du système éducatif français ne sont, en outre, pas suffisamment connues.
Des expériences et des comparaisons internationales probantes
Le classement international PISA, mais aussi la réussite des établissements sous contrat et l’analysede nos propres réussites régionales (voir notamment les succès de l’Académie de Rennes) permettent de dégager les principaux facteurs de succès d’un système éducatif. En tête de liste figurent la qualité, l’investissement personnel des enseignants et leur liberté pédagogique (voir par exemple le modèle de la Finlande où la sélection des enseignants est forte – un sur dix – et leur liberté pédagogique très grande). L’autonomie des établissements est un autre facteur déterminant de succès d’un système éducatif, comme l’attestent les choix de la plupart de nos partenaires de l’OCDE au cours des années récentes (Grande-Bretagne, Finlande par exemple), et, en France, le succès actuel de l’enseignement privé. Les établissements sous contrat disposent, en effet, d’un vrai projet d’établissement, reflétant le «caractère propre» de celui-ci. Ils ont la liberté et les marges de manoeuvre financières nécessaires pour le mettre en application. L’existence de ce projet permet de réunir les enseignants et les familles autour d’un véritable projet éducatif.
CE QUE NOUS AVONS DEJA FAIT
Le Programme CLAIR
Le programme « CLAIR » (collèges et lycées pour l’innovation, l’ambition et la réussite) concerne les établissements concentrant le plus de difficultés (climat scolaire, violence en particulier). Ce programme se caractérise par des innovations dans le champ :
- des ressources humaines, avec un effort porté sur la stabilité des équipes : on sait que la réussite d’un projet dans un établissement difficile tient d’abord à la stabilité des équipes éducatives, à leur cohésion et à leur adhésion à un projet. Aussi, les enseignants sont recrutés sur proposition des chefs d’établissement après publication des profils de poste pour l’ensemble des disciplines. Toujours dans une même perspective de stabilité, les affectations sont prononcées pour une période de 5 ans qui pourra être prolongée à la demande des personnels.
- de la pédagogie. Il s’agit d’explorer toutes les possibilités qu’offre la loi du 23 avril 2005 pour l’avenir de l’école : les progressions pédagogiques en lien avec le socle commun de connaissances et de compétences, la mise en place de modalités variées dans la prise en charge des élèves, la conduite de projets en favorisant l’interdisciplinarité, l’organisation du temps scolaire en encourageant notamment la pratique régulière d’activités culturelles, ou d’activités physiques et sportives, la définition d’un parcours d’orientation spécifique pour chaque élève. Dans ce cadre, beaucoup de choses sont possibles, y compris la possibilité pour des professeurs des écoles d’enseigner au collège dans plusieurs disciplines ou de laisser des professeurs du second degré enseigner plusieurs disciplines si cela correspond à un projet précis.
Ce programme expérimental, fondé sur l’idée d’autonomie des établissements, lancé dans 105 collèges et lycées à la rentrée 2010 sera étendu à la rentrée 2011. Ses bons résultats sont un encouragement à sa généralisation.
QUELLES PISTES D’ACTIONS POUR 2012 ?
> Faut-il permettre aux établissements d’utiliser librement une part substantielle de leur budget (15 à 20% pour commencer) ?
> Faut-il donner aux directeurs d’établissements la liberté de recruter les enseignants constituant leur équipe pédagogique ?
> En échange de cette autonomie, faut-il soumettre les établissements à des évaluations beaucoup plus fréquentes, par un organisme indépendant de l’Etat, en fonction d’objectifs clairs et précis faisant l’objet d’un contrat entre l’Etat et les établissements ?
> Faut-il donner aux directeurs d’école primaire un véritable statut de directeur d’établissement, avec une autorité véritable sur le corps enseignant, et les rendre responsable des performances de son équipe ?
Secrétaires Nationaux responsables :
- Jean-Claude Carle (Secrétaire national en charge de l’enseignement privé et de l’enseignement sous contrat)
- Claude Greff (Secrétaire nationale en charge des écoles, collèges et lycées)
- Jacques Grosperrin (Secrétaire national en charge des politiques éducatives)

















