La laïcité passe d’abord par une distinction entre la sphère religieuse et la sphère politique. Par la séparation entre les Eglises et l’Etat, voulue par la loi de 1905. Dans une République laïque, on ne peut pas confondre la loi civile et la loi religieuse. Ce sont deux ordres différents et dans la sphère publique, c’est la loi civile qui prime.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de dialogue possible entre l’Etat et les religions. Au contraire, ce dialogue peut faire partie de la vitalité de notre démocratie. Nous ne sommes plus au temps de la lutte entre la République et l’Eglise catholique, lorsque laïcisme et cléricalisme s’affrontaient. Il faut en effet se souvenir que la séparation des Eglises et de l’Etat ne fut pas un accord à l’amiable. Ce fut un « divorce » douloureux et parfois même violent.
La laïcité de combat n’est plus d’actualité mais le compromis d’hier laisse aujourd’hui une loi à laquelle une immense majorité de Français est attachée et qu’il n’est pas question de remettre en cause : la loi de 1905, dont l’article 2 prévoit que « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. »
Il faut reconnaître une évidence. Si la loi de 1905 a permis d’organiser l’articulation entre la République et les cultes catholique, protestant ou juif, elle n’a pas réglé la question du culte musulman. Et pour cause : la question ne se posait pas à une époque où cette religion n’était pas établie en France et où il n’y avait pas de mosquée en France métropolitaine !
Pour mémoire, la première grande mosquée construite en France - la Grande mosquée de Paris, inaugurée en 1926 - l’a été à titre exceptionnel sur fonds publics par une loi dérogatoire à la loi de 1905, en hommage aux 70 000 soldats musulmans morts pour la France pendant la Première Guerre Mondiale.
Depuis 1905 ou 1926, le contexte a bien changé. L’islam est la 2ème religion en France. Dans certains quartiers, elle devient même majoritaire.
Alors que l’Europe sécularisée avait presque évacué la question religieuse, oubliant en partie ses racines, l’émergence de l’islam la remet à l’ordre du jour. Avec des aspects positifs pour la cité, bien sûr : les religions peuvent contribuer au lien social, faire grandir l’espérance humaine…. Mais aussi avec la nécessité de poser certaines clarifications :
- parce que des valeurs essentielles de la République sont remises en cause à certaines occasions – la liberté de conscience, l’égalité hommes-femmes, la neutralité de l’Etat et de ses agents… - et que cela fragilise l’ensemble de la communauté nationale ;
- parce que des extrémistes cherchent à instrumentaliser la religion à des fins politiques, au détriment des croyants qui sont toujours les premières victimes de ces manœuvres ;
- parce que tant que des problèmes perdureront, ils fragiliseront la construction d’un islam de France tolérant dans une République laïque.
Rappel des fondements juridiques :
Afin de mieux comprendre les enjeux actuels, il est important de se rappeler les fondements juridiques de la laïcité.
• Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :
Article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »
• Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État :
Article 1: « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »
Article 2, al.1 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. »
Sur les associations cultuelles :
Article 19, al.10 : «Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. »
Toutefois, les dons au profit d’associations cultuelles donnent droit à une réduction d’impôts, ce qui peut s’apparenter à une subvention indirecte.
Ce que nous avons déjà fait
Notre famille politique est en pointe pour la promotion de la laïcité et pour favoriser le passage d’un islam en France à un islam de France :
- Avec le rapport de 2003, rédigé par François Baroin, au nom de l’UMP : « Pour une nouvelle laïcité »
- Avec la Commission Stasi, mise en place par Jacques Chirac en juillet 2003,
- Avec la loi du 15 mars 2004 « encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics »
- Avec l’installation du Conseil Français du Culte Musulman, par Nicolas Sarkozy en 2003, afin de structurer le dialogue avec les représentants de l’islam de France.
- Avec la création de la Fondation pour les Œuvres de l’Islam de France, en 2005, sous l’impulsion de Dominique de Villepin,
- Avec la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, votée en 2010.
Quelles pistes d’action ?
• Faut-il un enseignement du fait religieux à l’école ?
• Faut-il rédiger un code de la laïcité, reprenant tous les aspects législatifs et réglementaires relatifs à ces enjeux ?
• Faut-il créer un conseil consultatif des religions, interlocuteur des pouvoirs publics sur les questions ayant trait à l’exercice des cultes ?
• Comment mettre fin aux prières de rue, hors circonstances ponctuelles ?
• Comment s’assurer que les prescriptions religieuses ne s’imposent pas dans les services publics, au détriment de l’ordre public, de la neutralité de l’Etat et de la liberté de conscience ? que ce soit à l’école, dans les cantines, dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les piscines… ?
• Comment s’assurer qu’elles ne s’imposent pas non plus dans les entreprises au point de fragiliser la liberté de conscience ou le vivre-ensemble ?
• Comment permettre aux fidèles de disposer de lieux de culte, respectueux des règles de l’urbanisme et des paysages, sans financement public, ni financement trouble de l’étranger ?
• Comment former les ministres du culte pour qu’ils respectent les principes républicains ? Comment faire pour qu’à terme, ils ne dépendent pas financièrement d’un Etat étranger, ce qui rend illusoire la construction d’un véritable islam de France ?
• Comment faire pour que l’intégralité des programmes scolaires puisse être enseignée, à tous les élèves scolarisés, quelle que soit leur religion ou leur conviction ?


















Publié le 1 avril 2011 à 21 h 30 min par Tabaries Jean
Ce n’est pas à nous de répondre à toutes ces questions sur la laïcité mais aux intéressés eux même de telle sorte que nous puissions apprécier à leur juste valeur les efforts qu’ils font pour se fondre dans le creuset de la République.